L'Humanité du 27 mars 2004

TV. Une femme en case, par Sébastien Homer
Sophie Mounicot porte un regard acerbe sur la télé et le métier d’acteur.

Les Robinsonnes (Laurent Dussaux)

" Les hommes, c’est pas très difficile à trouver ", explique à ses comparses son personnage
dans les Robinsonnes. Alors ? " M’ouais ! Même si j’ai de plus en plus de mal à voir l’humain dans tout ça ",
répond Sophie Mounicot en lançant un regard autour d’elle.
Ajoutant lorsqu’on égrène les adjectifs censés la qualifier :
" Drôle, pince-sans-rire, ironique, sarcastique ? Ironique, oui, caustique, plutôt.
Mais je ne suis pas ce que je joue. Le problème, en télé, c’est qu’on fait tout pour te faire rentrer dans une case.
Moi, je ne fais que prendre les rôles qu’on me donne.
Et ils sont rares, ceux qui cherchent la petite bête ! "

Des années que Sophie, entre petit et grand écran, désir de planches et rêve d’écriture,
cherche, se cherche, teste, déteste, conteste. Accepte ! Et même si c’est le personnage de Clara dans H,
sur Canal, qui l’a fait connaître, pour mieux la saisir, on se penchera sur Pascale, cette fliquette débraillée
et borderline traînant sa blondeur faussement dégingandée dans la noirceur de Police District :
" J’aimais tellement ce personnage que ça m’a fait mal de voir cette série s’arrêter, assène-t-elle.
Pascale, c’était pas de la fliquette manucurée en talons hauts. Ce personnage, on l’a vraiment construit à plusieurs.
Après quelques engueulades, parce qu’au départ c’était physique : je ne supportais pas l’uniforme !
Alors, sur le plateau, je tirais sur mon col, je dégrafais mes boutons. Et ça cadrait parfaitement :
une fliquette qui n’a rien à foutre du règlement, plus flic par dépit que par conviction.
Et n’attendant pas plus de la vie que de son métier !"

De l’arrêt de la série, un goût amer : " En télé, personne ne prend de risque.
Faut pas choquer. Mais les images de carnage au JT, les reality-shows où le seul rêve qu’on donne,
c’est de baiser sous l'œil des caméras, c’est pas pareil ", déplore celle qui, dernièrement,
a participé à une fiction prenant la poussière dans un tiroir de TF1.

Entre Sophie Mounicot et le petit écran, un mélange d’amour et de haine. Se demandant parfois :
" J’aurais peut-être dû bouffer plus souvent des pâtes et être plus sélective.
Quand on débute, on ne se rend pas compte à quel point on se fait mal à tout accepter.
Car, même si c’est un métier qui vous apporte beaucoup de bonheur ! acteur, c’était une évidence pour moi !
c’est aussi d’une violence inouïe. En revanche, je ne supporte pas le snobisme à l’égard de la télé.
J’y ai fait de formidables rencontres et appris à travailler vite. "

Travailler vite, comme dans H : " une expérience formidable et la seule sitcom qui ait marché :
on était comme une petite troupe de théâtre, à jouer en direct devant le public " où elle incarnait Clara :
" Ça m’a fait marrer de faire ce personnage caricatural. Et autoritaire, encore une fois. "
C’est le physique mais surtout la voix, sourit la cadette d’une famille " où, très tôt, entre filles,
on a appris à se débrouiller ". Quand j’étais petite, j’ai eu une maladie assez rare qui a affecté ma diction.
Je compense donc en parlant vite et en appuyant certaines syllabes. D’où un ton qui peut être jugé cassant ! "

Avec l’humour, une autre " carapace " qui constitue tant un atout qu’un handicap chez cette " vraie timide " :
" Autre problème aussi, la franchise, confesse-t-elle. On est dans un milieu et une société
qui vous demandent en permanence d’être franc, d’être vrai sans accepter de l’entendre ".
En tête, quelques castings. Qu’importe, sourcil relevé et sourire en coin, elle lâche : " Sûre que le rôle de ma vie,
on ne me l’a pas encore donné Bah ! Quand ça arrivera, ça se remarquera. " Et de travailler sur son long métrage :
" Un film sur les rapports mère-fille. Des rapports inversés : là, ce serait la mère qui fuguerait "
Adepte d’Audiard et de Desproges, elle n’a même pas besoin d’ajouter que la seule certitude qu’elle a,
c’est d’être dans le doute : " Car, aujourd’hui, il n’y a pas que les acteurs qui rament.
Les réalisateurs aussi ". Et de conclure, dans un clin d'œil :
" Un jour, un réalisateur m’a dit que j’étais comme un bon vin. Faut laisser reposer, quoi "

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